La bombe d’Hiroshima a-t-elle hâtée la fin de la guerre ?
La décision du président Truman de lancer la bombe atomique sur Hiroshima est un des choix les plus controversés de l’Histoire.
Le largage de cette bombe qui a fait tant de victimes civiles a-t-elle vraiment permis un dénouement plus rapide de la fin de la Seconde Guerre mondiale ? 60 ans après cette tragédie, la question se pose toujours.
La mort s’abat sur HiroshimaAu matin du 6 août 1945, Hiroshima est une ville en pleine expansion, la septième ville du Japon, avec une population de 250 000 habitants.
Ce même matin, décolle de l’atoll de Tinian, un B-29 baptisé Enola Gay, du nom de la mère du pilote.
La forteresse volante transporte la première bombe à uranium, surnommée Little Boy, qui pèse plus de 4 tonnes.
Cette bombe va libérer l’équivalent d’environ 20 000 tonnes de TNT.
Une partie de l'équipage du B-29 Enola Gay pose devant l'appareil.
U.S Air Force. American Heritage
La cible est le pont d’Aioi. Hiroshima, contrairement à Tokyo ou Osaka, avait été très épargnée par les raids aériens américains.
Deux jours plus tôt, des flots de prospectus avaient été déversés sur la ville sur lesquels on pouvait lire : »Votre ville sera rasée à moins que votre gouvernement ne capitule. »
A 8 h 16 exactement, l’avion largue la bombe qui explose à 530 m au-dessus du sol et à seulement 275 m de son objectif.
Un éclair de lumière aveuglant provoqué par une boule de feu de 55 m de diamètre traverse l’espace.
Les immeubles s’effondrent immédiatement et un énorme champignon s’élève dans le ciel.
Hiroshima après le largage de la bombe .
Bettmann Archive, New York
Trois jours plus tard, la ville de Nagasaki est également dévastée par une bombe atomique.
Le gouvernement japonais se décide alors à capituler le 14 août 1945.
Peuplée de 400 000 habitants au moment de la Seconde Guerre mondiale, la ville d'Hiroshima fut rasée à 90 % par la première bombe atomique (bombe A), le 6 août 1945, à 8 h 15. 12 km² de la ville furent détruits et l’on dénombra 130 000 victimes, dont 80 000 tués (2 500 victimes étaient des militaires).
Photo d'Hiroshima prise 2 heures après le largage de la bombe atomique.
Nagasaki fut largement détruite par la seconde bombe atomique lancée sur le Japon (le 9 août 1945) et qui fit 70 000 victimes dont 600 victimes militaires (décédées en 1945).
Le discours d’Harry TrumanLe 6 août 1945, le monde apprend par le président Truman, qui a succédé en avril à Roosevelt, que le premier bombardement atomique vient d'avoir lieu. Alors que l'Allemagne avait déposé les armes le 8 mai 1945, le Japon continuait la guerre, prouvant, notamment avec les attaques-suicides des Kamikazes, qu'il était prêt à continuer la guerre jusqu'au bout; c'est pourquoi Truman s'est résolu à utiliser l'arme atomique, dont on savait qu'elle produirait des effets inconnus jusqu'alors.
Le président Truman
En revanche, contrairement à ce que dit Truman, ce ne sont pas des objectifs militaires qui ont été atteints : la ville a été détruite à 90 %, les conséquences de la radioactivité (malformations congénitales, cancers) seront ressenties pendant des décennies.
« The world will note that the first atomic bomb was dropped on Hiroshima, a military base. We won the race of discovery against the Germans. We have used it in order to shorten the agony of war, in order to save the lives of thousands and thousands of young Americans. We shall continue to use it until we completely destroy Japan’s power to make war. »
Traduction :
« Le monde se souviendra que la première bombe atomique a été lancée sur Hiroshima, une base militaire. Pour cette découverte, nous avons gagné la course contre les Allemands. Nous l'avons utilisée pour abréger les atrocités de la guerre, et pour sauver les vies de milliers et de milliers de jeunes Américains. Nous continuerons à l'utiliser jusqu'à ce que nous ayons complètement détruit le potentiel militaire du Japon. »
Dès le 10, le gouvernement japonais fait savoir qu’il accepte les termes de l’ultimatum du 26 juillet, et, le 14, capitule sans condition. Le 16, le mikado donne à toutes ses forces l’ordre de cesser le combat. Dix jours plus tard, les Américains débarquent au Japon, et, le 2 septembre, l’acte solennel de capitulation est signé en rade de Tokyo, devant le général MacArthur, sur le cuirassé américain Missouri (le général Leclerc y représente la France).
Signature de la capitulation japonaise à bord du croiseur américain Missouri
Library of Congress. American Heritage
Cette bombe était-elle nécessaire ?Le lancement de la bombe est la décision du président Harry Truman. Après avoir pris connaissance d’un communiqué officiel dans lequel le Japon ignore les menaces et définit ses objectifs de guerre, le président déclare : »S’ils n’acceptent pas maintenant nos conditions, ils doivent s’attendre à un déluge aérien destructeur comme on n’en a encore jamais vu sur terre. »
Après la guerre, Truman sera sévèrement jugé mais il ne regrettera jamais sa décision.
Il faut souligner que les effets dévastateurs de cette bombe avaient été largement sous-estimés par les scientifiques.
Les chefs militaires et les chercheurs qui ont travaillé à la fabrication de la bombe ne pensaient pas que celle-ci pouvait provoquer un tel désastre.
Et, quand les Japonais ont communiqué le bilan des victimes des radiations, les Américains ont cru qu’ils mentaient.
Hiroshima a été détruit à 90% .
Hulton Getty
Aux yeux de certains spécialistes, la bombe atomique était nécessaire. Sans elle, l’Amérique aurait dû envahir le Japon, ce qui aurait provoqué plus d’un million de morts du côté américain et dix fois plus chez les Japonais.
A la lumière de ces estimations atroces, les chiffres des victimes d’Hiroshima et Nagasaki paraissent plus « acceptables ».
Les partisans du bombardement soulignent aussi l’obstination du Japon qui se refuse à toute abdication.
La découverte de documents secrets datés du 6 juin 1945 confirme cette obstination. Le gouvernement japonais y déclare qu’il est décidé à « poursuivre la guerre jusqu’au bout ». Le Japon avait également prévu de lâcher des milliers d’avions pilotés par des kamikazes et de mettre sur pied une milice de 30 millions de civils.
Vue aérienne d'Hiroshima quelques minutes après l'explosion .
Bettmann Archive, New York
Rappelons que les kamikazes (vent providentiel, de kami, dieu, et kaze, vent) étaient des pilotes japonais volontaires pour écraser sur son objectif un avion chargé d’explosifs ; cet avion lui-même est appelé avion-suicide.
Salués comme des héros, les kamikazes effectueront jusqu’au jour de la capitulation japonaise plus de 2 200 assauts, endommageant près de 300 navires américains.
Vidéo Kamikazes Japonais
En 1946, une commission gouvernementale américaine est chargée d’enquêter sur les effets des campagnes de bombardement dans l’Atlantique et le Pacifique.
Elle juge par conjecture que le Japon s’apprêtait à capituler lorsque les bombes ont été lâchées.
« L’opinion des experts est que le Japon se serait rendu dans tous les cas avant le 31 décembre 1945, et même probablement avant le 1er novembre, même si les bombes atomiques n’avaient pas été employées. »
On a su plus tard que, le 20 juin 1945, l’empereur Hirohito, après avoir débattu avec son conseil de guerre, avait décidé de se rendre. Mais, on sait également que son pouvoir était assez limité.
Hirohito, empereur du Japon de 1926 à 1989.
Kahu Kurita
Les chefs militaires auraient-ils vraiment suivi son opinion ? Nul ne le sait. Et Harry Truman, au moment de sa décision, ne disposait pas de documents ou d’une quelconque preuve que le Japon souhaitait abdiquer.
Il est donc important de ne pas juger un homme trop hâtivement surtout quand on connaît les pertes infligées dans le Pacifique aux forces américaines. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis ont eu à déplorer 300 000 morts, tous militaires ; le Japon, 3 millions (dont 600 000 civils, y compris les 150 000 morts d’Hiroshima et de Nagasaki).
V.B (07.
Hiroshima : la mort atomique